Le nettoyage simple

Au QPG, la victoire s'obtient le plus souvent en attirant une pièce adverse dans son camp et en la forçant à prendre toutes les pièces l'une après l'autre; c'est ce que nous appellerons le nettoyage. Bien sûr, ceci n'est en général que l'aboutissement d'une partie bien menée, mais il est tout de même essentiel de savoir jouer cette dernière phase avec précision. Comme on le verra par la suite, il est catastrophique de lancer un nettoyage si c'est pour rester en fin de compte avec juste quelques pions non bloqués.
A l'instar du joueur de billard américain nettoyant la table de toutes ses billes, il ne suffit pas de mettre une pièce en prise et de voir ensuite ce qu'on peut faire, il faut, sinon calculer la séquence entière, du moins à chaque fois bien « se placer » pour la prise suivante. Les chausse-trapes (l'adversaire pouvant tout à coup prendre une pièce protégée, mettant fin au nettoyage) sont plus nombreuses qu'on le croit.
Une des premières questions qu'on peut se poser est: quelles pièces adverses faut-il inviter pour le nettoyage? La réponse varie selon la position; en tout cas les nettoyages les plus faciles sont ceux réalisés par une seule pièce; c'est ce que nous appellerons un nettoyage simple.
Le meilleur nettoyeur est de loin le fou: c'est la seule pièce capable dès les premiers coups de nettoyer l'armée adverse à elle toute seule. La tour peut également faire des ravages dès que les pièces adverses sont un petit peu développées.
Les autres pièces ne peuvent nettoyer que dans des positions bien particulières: bien que la dame soit la pièce la plus puissante (mais pas la plus forte, comme nous le verrons), sa puissance même lui permet souvent de prendre une pièce protégée; par conséquent on ne peut en général lui faire nettoyer la position que quand une petite moitié des pièces ont disparu.
Le cavalier et le roi, à cause de leur faible rayon d'action, peuvent essentiellement nettoyer des positions bien groupées et où il n'y a pas trop de pions. Particulièrement on ne peut réaliser un nettoyage par le roi qu'en le faisant aller d'une aile à l'autre grâce à une structure de pion bien compacte. A cause du choix qui lui est proposé lors de la promotion, le pion réalise très rarement des nettoyages: il est difficile de s'équiper à la fois contre la promotion en roi, en cavalier et en dame.

Un exemple frappant de la tornade blanche que peut représenter un fou, même noir:
1.e3 d6?? (déjà perdant!) 2.Dg4

 

2...Fxg4 3.Rd1 Fxd1 4.a3 Fxc2 5.Ta2 Fxb1 6.b3 Fxa2 7.a4 Fxb3 8.h4 Fxa4 9.Fb5 Fxb5 10.Ce2 Fxe2 11.d3 Fxd3 12.e4 Fxe4 13.h5 Fxg2 14.Fd2 Fxh1 15.f3 Fxf3 16.Fc1 Fxh5 17.Fh6#
On peut observer la manoeuvre typique a3-Ta2 pour se débarrasser d'une aile, et la facilité avec laquelle les Blancs peuvent se débarrasser de leurs pions: ils ont même deux coups d'avance puisqu'ils peuvent temporiser avec leur fou de cases noires. Celui-ci doit bien sûr solliciter une aide extérieure pour être pris, mais il le fait au dernier coup.

Avec une tour c'est un peu moins facile, mais elle peut tout de même jouer les effaceurs:
 

 

Les Blancs gagnent par 1.cb5 axb5 2.Tb1 Txa2 (début de la randonnée) 3.Ch3! Txc2 4.Fa3 Txg2 5.Tf1 Txh2 6.f4 Txh3 7.Rd1 Txe3 8.b4 Txa3 9.Tf3 Txf3 10.Ta1 Txf4 11.Rc2 Txb4 12.Rb2 Txb2 13.Tb1#
On observe la technique qui consiste à faire ramasser les pions rangée par rangée, avec les « coups d'orientation » typiques 3.Ch3! et 9.Tf3 pour faire prendre les virages à la tour noire. Les Blancs ont besoin de coups comme 4.Fa3 et 7.Rd1 pour éviter que la tour puisse choisir sa prise; la tâche est un peu plus compliquée qu'avec le fou.

A moins que le travail ne soit déjà bien entamé, les nettoyages par la dame sont plus rares et très difficiles à calculer jusqu'au bout. La plupart du temps, le joueur se fie à son intuition pour voir que la dame ne pourra jamais prendre une pièce protégée.
 

 

1.Dd6 Dxd6 2.a4! Dxh2 3.b4 Dxg2 4.Rd1 Dxf2 5.e4 Dxg1 6.a5 Dxd1 7.c4 Dxc1 8.Ta2 Dxb1 9.Td2 Dxb4 10.Td1 Dxc4 11.Td2 Dxe4 12.Td3 Dxd3 13.a6#. Ici les Blancs étaient obligés de donner des options à la dame; ils auraient également dû jouer avec précision par exemple sur 3...Dxg1 4.Rd1 Dxd1 5.a5 Dxc1 6.Cd2!; par contre la fin du nettoyage est plus facile (par exemple si 8...Dxc4 9.Td2 Dxb4 10.Td3 etc.). On remarque comment les Blancs avancent leurs pions pour libérer la deuxième rangée et donner de l'air à leur pièces; sans cela la dame finirait par prendre un pion protégé en a2 ou b2.
Les Blancs peuvent très facilement laisser échapper un nettoyage de ce type. Par exemple ils auraient déjà tout gâché en jouant 4.f4?, qui pourtant ne laisserait pourtant qu'un choix à la dame. Après 4...Dxg1 5.e4 (5.Rf2 n'est pas mieux) 5...Dxe1, pour éviter la prise en c3 les Blancs doivent jouer soit 6.Ca3 Dxc3, soit 6.c4 Dxb4, et ils ne peuvent empêcher la dame de prendre une pièce protégée.

Un cavalier peut nettoyer une armée importante dans certains cas favorables.
 

 

1.c5 Cxc5 2.Ca3 Cxa4 3.Fb2 Cxb2 4.Rd3 Cxd3 5.Tb1! Cxf2 6.Tb2 Cxh1 7.Tf2 Cxf2 8.g4 Cxg4 9.e4 Cxh2 10.Cf3 Cxf3 11.e5 Cxe5 12.Cc4#

Le roi réalise encore plus rarement de tels ravages.
 

 

1.Dg5 Rxg5 2.g4 Rxg4 3.Fh3 Rxh3 4.Tf1 Rxh2 5.Tg1 Rxg1 6.Rd1 Rxf2 7.e3 Rxe3 8.c4 Rxd3 9.b4 Rxc4 10.Ca3 Rxb4 11.Rc2 Rxa3 12.Tc1 Rxa2 13.Ta1 Rxa1 14.Rb2#

Le pion ne peut nettoyer l'armée adverse qu'en faisant une promotion. Comme il a le choix entre cinq pièces différentes, chacune avec ses caractéristiques propres, la réalisation d'un tel nettoyage est très difficile, et ne sera pas traitée ici.